Tant que nous continuons à considérer les animaux non humains comme des ressources à exploiter, plutôt que comme des individus qui tiennent à leur vie et à leur liberté, nous continuerons à profiter de leurs corps autant que possible, en usant de pratiques dégradantes sans y penser deux fois.
Les industries qui profitent de l’exploitation des animaux continueront de trouver des manières de s’enrichir avec tout ce dont elles peuvent extraire des corps de leurs victimes. Elles vendront les produits directement aux clients, par exemple les engrais à base de sang et d’os pour le jardinage biologique, ou les proposeront aux entreprises dans d’autres industries, comme c’est le cas avec la gélatine dérivée des sabots et tissus connectifs et utilisée dans les médicaments, les suppléments et les bonbons, ou avec les squelettes transformés en noir d’os pour la filtration du sucre.
Si nous examinons honnêtement les nombreuses manières dont nous nous enrichissons aux dépens des autres, nous constatons que notre relation avec les autres animaux repose sur un profond rapport d’inégalité. Les industries qui ont émergé dans le contexte de cette relation reflètent un problème fondamental très inquiétant dans notre société : la perception que certaines vies ont moins d’importance. La seule manière rationnelle de réagir à l’ampleur de la tyrannie exercée sur d’autres animaux et à leur souffrance aux mains des humains? Cesser d’encourager l’utilisation des animaux, dans la mesure du possible, en adoptant une philosophie végane, et s’engager à respecter les droits et intérêts des individus de toutes espèces.
Fermes à bile d’ours
Selon la Société mondiale pour la protection des animaux, environ 12 000 ours sont maintenus en captivité dans des fermes à bile d’ours légales ou illégales. Il a été estimé en 2010 que 97 fermes à bile d’ours existaient, et ce, en Chine seulement.
Bien que les ours malais et les ours bruns soient eux aussi utilisés pour leur bile, la plupart des ours exploités dans cette industrie sont des ours noirs d’Asie, surnommés « ours lunaires » en raison du croissant couleur crème sur leur poitrine. Les ours malais et ours noirs d’Asie sont répertoriés comme espèces à risque selon l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature.
La bile d’ours est extraite presque uniquement en Chine et au Vietnam, où elle est réputée pour ses bienfaits en médecine asiatique traditionnelle et considérée à tort comme un remède à des maladies variées. Depuis des siècles, la bile d’ours est utilisée en soins de santé naturels, principalement en Asie orientale.
En Chine, surtout, la bile d’ours est utilisée comme ingrédient essentiel dans le thé médicinal, les vins et autres produits, des dentifrices aux nettoyants pour le visage. Selon une fausse croyance répandue, la bile d’ours est un remède à tout usage, du cancer à la gueule de bois. Les praticiens de médecine holistique traditionnelle prescrivent cette substance pour traiter les hémorroïdes, l’acné, la conjonctivite et plus encore.
La substance communément appelée « bile d’ours » est un enzyme digestif naturel contenu dans la bile d’ours qui porte le nom « acide ursodésoxycholique » (UDCA). Les prétendues propriétés de guérison de la bile d’ours sont attribuables à cet enzyme. Bien que l’UDCA offre de véritables bienfaits pour la santé, il est important de noter que l’UDCA synthétique est tout aussi efficace et ne provient pas des élevages d’ours. D’ailleurs, même s’il n’existait aucun équivalent synthétique, l’extraction de bile ou d’autres substances du corps d’un individu non consentant demeure inacceptable et non éthique.
Les fermes de bile d’ours sont tristement reconnues pour leurs conditions atroces et le processus intrinsèquement cruel d’extraction de l’UDCA à partir d’organes d’ours vivants. La plupart des élevages gardent les ours dans de petites cages en métal, où ils ne peuvent pas circuler librement ou se tenir debout. Dans bien des cas, les ours restent dans ces cages toute leur vie. De nombreux ours dans les fermes de bile meurent prématurément à cause de problèmes de santé, mais certains d’entre eux atteignent l’âge de 30 ans.
Il existe deux méthodes principales pour extraire la bile de la vésicule biliaire de l’ours : le système d’écoulement libre, qui sous-entend la pose d’un tube sortant de la vésicule, et l’insertion d’un cathéter directement dans la vésicule biliaire. Ces deux méthodes d’extraction causent une immense douleur, des infections et, ultimement, la mort. Puisque les ours sont confinés dans de petits espaces et sous-alimentés, ils sont susceptibles aux déformations des os, aux infections parasitaires et aux maladies chroniques. De plus, les ours rescapés des fermes de bile présentent souvent des taux élevés de corticostéroïde, une hormone de stress.
Le Vietnam a officiellement interdit les fermes de bile d’ours en 2005. Cependant, comme c’est souvent le cas lors des interventions gouvernementales sans changement de mentalité culturelle, une faille juridique a permis aux anciens éleveurs d’ours de garder leurs animaux comme « animaux de compagnie ». De nombreux propriétaires de fermes de bile d’ours ont exploité cette faille et continué de produire de la bile illégalement.
Huile d’émeu
Reproduit avec la permission de theresanelephantintheroomblog.wordpress.com
L’élevage des émeus a pris de l’ampleur à nouveau en raison de la demande du marché pour l’huile d’émeu. Après une accalmie au début des années 2000, on constate actuellement une demande accrue pour cette huile aux vertus soi-disant anti-inflammatoires, même s’il manque de preuves concernant son efficacité.
L’émeu est un oiseau coureur brun aux plumes duveteuses qui peut atteindre 1,9 mètre de hauteur. Il est natif de l’Australie et élevé sur ce continent, ainsi qu’en Amérique du Nord, au Pérou, en Chine, en Inde et ailleurs.
Les émeus sont principalement élevés pour leur chair morte, leur peau, leurs plumes et surtout, pour une huile fabriquée à partir de leur graisse après l’abattage. Comme ils sont natifs d’un milieu difficile, ils entreposent de la graisse sur leur dos aux fins de survie. Lorsqu’un émeu manque de nourriture, il peut puiser dans cette graisse et vivre plusieurs semaines sans manger si les réserves sont suffisantes.
Les plumes d’émeu sont utilisées pour les appâts de pêche, les extensions capillaires, les arrangements floraux, les chapeaux et l’artisanat. Tout comme avec les oies, canards et autres espèces, les éleveurs arrachent quelquefois les plumes d’oiseaux vivants afin de recommencer le processus une fois qu’elles ont repoussé. Cette pratique est agonisante pour les oiseaux, qui se font souvent bander les yeux pour éviter qu’ils ne se défendent. Puisque chaque plume est fermement maintenue par un follicule doté de nerfs captant la douleur, la victime est couverte de sang une fois les plumes arrachées. Le « cuir » fabriqué avec la peau écorchée des oiseaux morts présente un motif particulier de bosses entourant les follicules de la peau. Il est utilisé pour fabriquer des portefeuilles, sacs à main, chaussures et vêtements.
Bien que les émeus puissent vivre jusqu’à 60 ans, ils sont abattus avant l’âge de 2 ans. Comme la majorité des victimes animales, les émeus sont des êtres délicats qui tentent de se libérer tout au long du chemin vers l’abattoir. Ils sont capturés, terrorisés, jetés dans des camions, privés de nourriture et d’eau, et ultimement mis à mort.
Une fois que les émeus arrivent à destination, ils sont traînés des camions au plancher d’abattage, où ils sont étourdis par pistolet à projectile captif ou décharge électrique, puis suspendus et égorgés. Les oiseaux sont encore en vie durant la saignée, ce qui est normal dans le processus d’abattage des animaux terrestres. Comme la grande majorité des victimes de la consommation non végane, les émeus terrifiés succombent à une mort lente et douloureuse.
Présure
Dans l’industrie alimentaire, la présure est utilisée comme coagulant, notamment pour la fabrication de fromage et de produits laitiers, dont certains yogourts et le lait aromatisé emprésuré, un dessert de type pouding.
La présure est un complexe d’enzymes naturels produits dans l’estomac des mammifères allaitants pour les aider à digérer le lait maternel. Avant d’être utilisée comme ingrédient, elle est extraite de la muqueuse interne du quatrième compartiment de l’estomac des veaux non sevrés. La plupart de ces nourrissons sont enlevés à leur mère peu longtemps après la naissance, afin que les humains puissent consommer son lait. Bon nombre de veaux sont tués après quatre à six mois sans leur mère, et leur chair est vendue aux consommateurs.
Dans certaines recettes traditionnelles, les corps massacrés de ces nourrissons (ou « coupes de veau » selon l’industrie alimentaire) sont servis avec du fromage, un produit à base de lait maternel coagulé avec des enzymes fabriqués par l’estomac de ces veaux afin qu’ils puissent boire le lait de leur mère sans complications et en toute tranquillité.
Ivoire
Le terme « ivoire » désigne les dents et les défenses – ou dents allongées – des mammifères, lesquelles sont composées de dentine (la couche interne et majeure partie de la dent ou de la défense), de cément (la couche intermédiaire) et d’émail (la couche externe et substance la plus rigide produite par l’animal). Les proportions de ces substances varient d’une espèce à l’autre. Par exemple, l’ivoire d’éléphant comprend seulement de l’émail à la pointe de chaque défense, ce qui la rend plus facile à façonner. Voilà une raison fort probable que cet ivoire soit préféré à celui d’autres animaux.
Bien que la majorité des dents et défenses de mammifères aient la même composition de base, y compris les dents humaines, le terme « ivoire » réfère traditionnellement aux dents de mammifères ayant une certaine valeur culturelle ou financière. L’ivoire d’éléphant est le plus couramment exploité, mais l’ivoire est aussi obtenu des cétacés à dents, des hippopotames, des morses et même des sangliers.
Jusqu’à un tiers des défenses des éléphants est dissimulée sous la peau, dans le crâne, tout comme les dents humaines sont attachées au crâne et à l’os de la mâchoire. La majorité des braconniers arrachent la défense en entier et laissent l’éléphant saigner à mort, si celui-ci n’a pas déjà été abattu par coup de fusil ou empoisonné.
Même si une défense est coupée à moitié, ce qui ne se fait presque jamais vu la valeur financière de l’ivoire restant, l’éléphant risque de contracter une infection fatale ou de mourir de complications médicales, surtout s’il a été anesthésié ou tranquillisé de manière inadéquate.
Même si aucun animal n’a été tué pour obtenir l’ivoire, il faut rappeler que cet ivoire est une partie du corps d’un autre être vivant. Nous n’avons aucun droit de l’extraire, tout comme nous n’avons aucun droit de prélever les parties du corps d’un être humain.
Qui plus est, même dans de très rares cas où un animal meurt ou perd une défense en raison de causes naturelles, la commercialisation de l’ivoire renforce l’idée que les corps d’animaux non humains sont les nôtres à exploiter, en plus de stimuler la demande, ce qui entraîne la mort d’encore plus d’animaux.
La meilleure manière de s’opposer au commerce de l’ivoire et ainsi de protéger d’innombrables animaux est sans doute d’éduquer et de sensibiliser les gens, plutôt que d’imposer des lois et règlements. En tant que société mondiale, nous devons faire comprendre aux gens que la vie de nos semblables animaux est bien plus précieuse que ce que nous leur volons.
Même s’il n’existait aucune solution de rechange à l’ivoire, le vol de dents ou de parties du corps d’un individu demeurerait immoral. Heureusement, le marché moderne recèle de produits pouvant remplacer l’ivoire. Par exemple, l’ivoirine est un matériau composé de plastique et de celluloïd conçu pour imiter l’ivoire, qui existe depuis les années 1860. Il existe aussi de l’ivoire végétal fabriqué à partir de grandes noix de palmiers, comme la noix de corozo. Une fois sculptée et polie, elle ressemble étonnamment à l’ivoire véritable.
En informant les clients potentiels des préoccupations éthiques concernant l’ivoire animal, en créant une perception négative de celui-ci dans notre culture et en proposant des matériaux de rechange esthétiques et pratiques, nous pourrions bientôt faire interdire ce matériau. Ainsi, la production d’ivoire sera considérée comme un crime commis par les humains dans le passé.
Perles
Dans son milieu naturel, l’huître produit une perle lorsqu’un grain de sable pénètre sa coquille et qu’elle ne peut pas s’en débarrasser. Le grain de sable irrite la chair tendre de l’huître, comme un caillou dans une chaussure irrite le pied d’un être humain. Pour se soulager, l’huître sécrète un liquide, la nacre, qu’elle utilise pour recouvrir le grain de sable et le rendre doux et moelleux, ce qui apaise l’irritation.
Malheureusement, la nacre liquide finit par durcir pour former une petite perle, ce qui intensifie l’irritation. L’huître sécrète ainsi de plus en plus de nacre au fil du temps pour recouvrir la perle, ce qui rend celle-ci plus grosse. La taille d’une perle indique le temps écoulé depuis que le sable est entré dans sa coquille, qui peut parfois correspondre à des années.
Dans un monde idéal, les perles seraient seulement recueillies une fois que les huîtres les rejettent, se débarrassant ainsi de leur inconfort. Par exemple, une perle pourrait échouer sur une plage comme un vieux coquillage, au bonheur de celui qui la trouve.
Malheureusement, les perles utilisées dans le commerce des bijoux proviennent d’huîtres élevées en aquaculture à cette fin seulement. La « culture » des perles implique l’ouverture forcée des huîtres pour placer un irritant dans leurs corps et une incision chirurgicale dans leurs tissus mous. L’irritant peut consister en un grain de sable, une bille de plastique ou un morceau d’une autre huître. Ce processus délicat appelé « greffage » tue ou blesse gravement de nombreuses huîtres si des complications surviennent ou si une erreur est commise en cours de route.
Une fois que la perle atteint la taille désirée, l’huître est ouverte à nouveau et la perle est extraite par une autre procédure chirurgicale d’incision des tissus mous. Certaines des huîtres sont greffées à nouveau, tandis que d’autres sont jetées ou tuées, surtout si elles n’ont pas produit une perle satisfaisante. Une étude sur le secteur de la perliculture en Micronésie a révélé que 50 à 70 % des huîtres sont tuées et jetées après avoir produit une seule perle.
Les huîtres ressentent-elles la douleur? Leurs ganglions nerveux, ces « mini-cerveaux » comparables à ceux du système nerveux humain, leur permettent-ils d’avoir des sensations? Presque assurément. Par contre, même si nous étions incapables de prouver à 100 % la capacité de ressentir des huîtres et des moules, nous devrions les laisser vivre en paix afin de ne courir aucune chance. Il n’est pas nécessaire d’enlever la vie à des organismes vivants qui tiennent à celle-ci, surtout lorsque les choix non violents ne manquent pas.